Il peut arriver qu’un de vos salariés ne se présente plus à son poste de travail. Sans nouvelle de lui, cette absence injustifiée peut potentiellement se transformer en abandon de poste. Face à cette situation, il peut paraître complexe d’agir en respectant la réglementation.
Qu’est-ce qui définit un abandon de poste ? Comment y faire face efficacement et quelle sanction pouvez-vous appliquer à votre salarié ?
Abandon de poste : définition et limites
L’abandon de poste suppose que votre salarié a quitté son emploi pendant les heures de travail de manière répétitive ou ne vienne pas travailler, sans vous informer. Toutefois, les conséquences de ce comportement sont différentes selon la gravité de la situation.
L’abandon de poste se manifeste par l’une des situations suivantes :
- Une sortie du salarié non autorisée par l’employeur ;
- Plusieurs absences injustifiées ou répétées pendant les heures de travail.
Cependant, le simple fait pour votre salarié de quitter brusquement son poste sans en justifier les raisons ou en demander votre accord n’est pas suffisant pour caractériser un abandon de poste.
Votre salarié dispose d’un délai de 48 heures pour vous avertir s’il s’agît par exemple d’un arrêt maladie. En tant qu’employeur, vous devrez donc attendre l’expiration de ce délai pour vous assurer qu’il ne s’agît pas d’un arrêt causé par l’état de santé de votre salarié. Pendant ce délai, il vous est recommandé d’essayer de prendre contact avec le salarié et son entourage pour en savoir plus sur sa situation.
De la même façon, un abandon de poste ne doit pas être confondu avec une absence injustifiée. En effet, l’abandon de poste peut résulter d’une absence injustifiée, mais l’inverse ne peut pas être le cas, notamment si le salarié reprend son poste à la suite de cette absence.
La procédure à appliquer
Après ce délai de 48h sans nouvelle de votre salarié qui ne se présente plus à son poste, vous pouvez, si aucun justificatif ne vous est parvenu, adresser une ou plusieurs lettres de mise en demeure au salarié. Cette lettre fera objet de demande au salarié de justifier au plus vite son absence et de reprendre immédiatement son poste.
Si votre salarié ne répond pas à sa mise en demeure et qu’il n’a toujours pas repris le travail, vous pouvez enclencher une procédure disciplinaire. Il est alors possible de sanctionner un abandon de poste par :
- Une sanction disciplinaire, comme un blâme ou un avertissement ;
- Un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;
- Un licenciement pour faute grave.
Cette dernière option peut être établie si l’absence de votre salarié provoque une désorganisation dans votre entreprise ou que si celui-ci abandonne son travail de manière délibérée alors que vous l’aviez mis en garde contre un départ prématuré.
Le licenciement pour abandon de poste n’est toutefois pas justifié si le salarié a quitté son poste sans autorisation pour se rendre à une consultation médicale justifiée par son état de santé, le décès d’un proche ou par l’exercice de son droit de retrait.
Vous disposez d’un délai de 2 mois à compter de la prise de connaissance de l’absence de votre salarié pour engager une procédure disciplinaire contre lui.
Il est toutefois important de veiller à tenir compte des circonstances du départ du salarié et de ses conséquences avant de prononcer une sanction. Les faits doivent être appréciés au cas par cas pour choisir la sanction la plus adéquate.
Dans des cas plus rares, si l’abandon de poste entraîne d’importantes répercussions sur votre entreprise, vous pouvez engager un contentieux à son encontre. Vous devrez alors apporter la preuve de l’existence des préjudices générés par cet abandon.
Attention !
Si l’abandon de poste n’est finalement pas établi, le salarié peut vous réclamer des dommages-intérêts pour licenciement injustifié. Pour éviter ce risque, ne brûlez pas les étapes.
Abandon de poste « présumant » une démission : le décret est paru
Un amendement a été ajouté à la loi « Marché du travail » le 30 septembre 2022, proposant que « le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure […] est présumé démissionnaire ».
Cet amendement impacte lourdement la définition de la démission, que jusqu’à maintenant ne saurait être présumée. Le salarié abandonnant son poste peut alors être considéré comme démissionnaire, et de ce fait ne sera plus en droit de percevoir d’allocation chômage. Il conserve toutefois la possibilité de renverser cette présomption de démission devant le Conseil des Prud’hommes.
L’objectif de l’amendement est d’instaurer une présomption simple de démission du salarié quand celui-ci quitte son poste volontairement et sans justification. Les modalités d’application de ce dispositif viennent d’être fixées par le décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 (JO du18). Cette procédure peut être utilisée à compter du 19 avril 2023.
Ainsi, l’application de la présomption est conditionnée par une mise en demeure préalable de l’employeur à son salarié de justifier son absence et de reprendre son poste de travail dans un délai minimum de 15 jours. La mise en demeure doit être transmise par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge
La présomption de démission peut être écartée si le salarié répond à la mise en demeure de l’employeur en justifiant son absence par un motif légitime, tel que :
- des raisons médicales ;
- l’exercice du droit de retrait ;
- l’exercice du droit de grève ;
- le refus d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ;
- la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
Si le salarié ne reprend pas le travail ou ne justifie pas son absence dans le délai fixé par l’employeur, il est présumé démissionnaire à l’expiration de ce délai.
A savoir :
Le salarié présumé démissionnaire doit néanmoins effectuer son préavis, sauf si l’employeur décide de l’en dispenser ou s’ils conviennent de commun accord que le préavis ne sera pas exécuté.
Quelles conséquences pour un abandon de poste ?
Lorsqu’un cas d’abandon est constaté, votre salarié ne perçoit plus aucune rémunération jusqu’à la fin de la procédure de licenciement que vous avez éventuellement mis en place.
De plus, le salarié manquant à l’appel ne peut travailler au sein d’une autre entreprise au cours de la procédure de licenciement : il ne pourra s’inscrire à Pôle Emploi uniquement après la notification du licenciement.
Un abandon de poste prive également votre salarié d’indemnité de licenciement lorsque celui-ci est prononcé pour faute grave. Votre salarié conserve toutefois ses droits à l’allocation de retour à l’emploi.
Comme détaillé ci-avant, la Loi « marché du travail » vient ajouter une présomption de démission en cas d’abandon de poste. Cet ajout impacte fortement les conséquences auxquelles s’expose le salarié qui abandonne son poste : considéré comme démissionnaire, le salarié n’aura plus droit aux allocations chômage.
Le salarié aura toutefois la possibilité de saisir le Conseil des Prud’hommes s’il souhaite contester la rupture de son contrat de travail, lui offrant ainsi la possibilité de renverser cette présomption de démission.
Le nouvel article du Code du Travail ajouté par le texte de loi prévoit un délai d’un mois pour que cette saisie soit jugée par le CPH.
Rappel :
En cas d’abandon de poste par le salarié, l’employeur peut toujours procéder au licenciement pour faute, accordant le bénéfice des allocations d’assurances chômage au salarié ainsi licencié.