Les récents flux tendus sur le réseau électrique français créent le risque de voir arriver des cas de coupure d’électricité en France pendant l’hiver 2023-2024.
Bien qu’à priori localisées, temporaires et ciblées, ces potentielles coupures peuvent avoir un impact tout sauf négligeable sur le bon fonctionnement des entreprises. Comment les employeurs peuvent-ils gérer leur activité, réagir en cas de coupure, ou encore anticiper celles-ci ? Réponses dans notre article !
Origine et contexte des risques de coupure d’électricité
L’origine des tensions sur le réseau électrique français découlant sur les fameux risques de pannes de courant provient du cumul de plusieurs facteurs, à savoir :
- Le conflit en Ukraine et le changement de rapport à la Russie fragilisent l’approvisionnement en gaz des pays européens. Le marché de l’énergie est lourdement impacté et le prix de l’électricité augmente, créant des flux d’approvisionnement tendus ;
- La fermeture des centrales au fioul et au charbon dans l’optique de limiter les émissions de gaz à effet de serre, couplée au retard des énergies renouvelables dans la production d’électricité ;
- La production d’énergie issue du nucléaire trop peu élevée en conséquence de la mise à l’arrêt de nombreux réacteurs pour des raisons de maintenance, d’incidents, de vieillissement des infrastructures, etc…
Ceux-ci, associés à une consommation d’énergie plus importante par les ménages et les entreprises pendant l’hiver, engendrent des tensions sur le réseau, créant des coupures. Pour les limiter le plus possible, des opérations dites « de délestage » sont effectuées sur le réseau.
Le délestage consiste à couper volontairement et de manière ponctuelle le courant dans un périmètre donné dans le but de conserver le bon fonctionnement du système et de limiter les risques de dysfonctionnement à plus grande ampleur. Ainsi, Enedis pourrait mettre en œuvre de telles actions pour préserver l’alimentation électrique française, et seulement si la consommation ne diminue pas assez pendant les périodes où le réseau est fortement sollicité.
A savoir :
Si un coupure survient, celle-ci pourra durer jusqu’à 2 heures par zone sur les périodes de tension, à savoir en semaine, entre 8h et 13h ou 18h et 20h. Aucun délestage n’est prévu pendant les week-ends ou la nuit.
Quelles entreprises peuvent être impactées ?
Comme les particuliers et les collectivités, les entreprises peuvent être concernées par les pannes de courant et les opérations de délestage, et ce quel que soit leur contrat d’électricité.
Toutes les entreprises installées dans les zones sujettes aux délestages sont ainsi concernées. Des exceptions existent cependant en raison de leur caractère jugé prioritaire, comme par exemple :
- Les hôpitaux et établissement de santé ;
- Les services d’urgence, les commissariats et brigades de gendarmerie, ainsi que les centres pénitentiaires ;
- Les Services Départementaux d’Incendie et de Secours (SDIS) ;
- Les sites industriels à risque ou ayant lien avec la défense nationale ;
- Les sites indispensables à la gestion des sites mentionnés précédemment (notamment les centre de crise EDF, RTE, Enedis, etc…).
Les listes de ces zones prioritaires, et donc non impactées par les coupures de courant, seront établies par les préfets des départements. De ce fait, si une entreprise est raccordée à une ligne qui alimente un site prioritaire, celle-ci ne sera pas impactée par les coupures. Il est tout de même demandé aux entreprises de participer elles aussi à la baisse de consommation, même si elles ne seront pas impactées par le délestage.
Les employeurs seront prévenus à l’avance des coupures d’électricité qui toucheront leurs établissements. Pour cela, il suffit de s’inscrire sur le site internet ecowatt, et renseigner un numéro de téléphone portable pour recevoir des alertes par sms. Plusieurs délais de prévenance s’appliquent concernant l’information d’une possible coupure :
- 72 heures avant, l’employeur concerné pourra être informé qu’il se trouve dans une zone de vigilance renforcée et qu’un possible risque de coupure existe si la consommation énergique ne diminue pas suffisamment dans ce secteur sur les plages horaires de haute consommation ;
- La veille aux alentours de 17h, il sera informé du risque de coupure en France et sera orienté vers les outils (comme ecowatt) pour connaître plus en détails la situation. Il pourra indiquer l’adresse des locaux concernés pour savoir si l’entreprise devra faire face à une coupure le lendemain, et à quelle heure si c’est le cas ;
- Le jour même de la coupure, l’employeur sera informé de l’alerte et les coupures seront enclenchées pendant une durée maximum de 2 heures.
Les recommandations aux entreprises pour réduire les risques de coupure
Dans un souci de participation à l’effort collectif, les entreprises, de la même manières que les ménages, sont invitées à adopter des pratiques éco-responsables pour réduire leur consommation électrique, notamment sur les plages horaires sujettes à tension (entre 8h et 13 et entre 18h et 20h).
Dans les zones de tension, des gestes relativement simples peuvent être mis en œuvre par les entreprises, comme par exemple :
- Ne pas chauffer les locaux au-delà de 19°C ;
- Diminuer la température des locaux pendant les périodes de tension ;
- Installer des éclairages LED et des appareils à basses consommations ;
- Débrancher les appareils électriques lorsque ceux-ci ne sont pas utilisés ;
- Réduire la ventilation et le chauffage et éteindre les appareils électriques des espaces inoccupés ;
- etc…
De la même manière, si l’entreprise utilise des véhicules électriques, il est recommandé de mettre à recharger ces-derniers pendant les heures creuses.
A savoir :
L’entreprise peut également devenir partenaire du dispositif ecowatt. Cette action s’inscrit dans la démarche de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et permet de mobiliser les collaborateurs sur la réduction des consommations électriques. Pour cela, l’employeur peut s’inscrire via la section « nos partenaires » de la plateforme ecowatt.
Quelles solutions pour l’employeur dans la gestion de ses salariés ?
Dans le cadre de son obligation de protection de la santé et de la sécurité de ses salariés, l’employeur ne saurait faire travailler ses équipes (même si l’activité le permet) sans électricité, sans chauffage ou encore sans éclairage.
L’employeur doit alors trouver des solutions et des alternatives de gestion de ses effectifs pour permettre de maintenir du mieux possible l’activité de l’entreprise sans pour autant manquer à ses obligations envers les salariés qu’il emploie.
- Passage en télétravail des effectifs :
Si l’entreprise est impactée par une ou plusieurs coupures et si son activité le permet, l’employeur peut décider de placer ses salariés en télétravail si leur domicile n’est pas affecté. Pour cela, il devra respecter les conditions prévues dans les accords collectifs ou dans une charte télétravail. A défaut, il pourra prendre la décision de mettre en place le télétravail avec l’accord des effectifs concernés.
D’ordinaire, il est impossible d’imposer le télétravail aux salariés sans leur accord. En cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure, cette mise en œuvre peut être imposée : le Code du Travail prévoit qu’il s’agît alors d’un aménagement de poste rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité et pour garantir la protection des salariés. On peut ainsi considérer les coupures d’électricité comme une circonstance exceptionnelle, rendant le télétravail nécessaire pour garantir la continuité de l’activité de l’entreprise et la protection de la santé des travailleurs.
A l’inverse, un salarié en télétravail voyant son domicile affecté par une coupure peut être invité à revenir travailler sur site même si cela n’est pas prévu le jour où la coupure survient.
- Adaptation des horaires de travail des salariés :
Si une coupure devait arriver dans une zone de tension, une autre option peut être d’adapter les horaires de travail des salariés. La privation d’électricité durant uniquement deux heures sur une même plage horaire, il est tout à fait possible de « décaler » les horaires de travail des équipes en tenant compte des deux heures de « creux » engendrés par la coupure à venir.
En procédant ainsi, il s’agirait simplement d’un changement des conditions de travail qui peut être imposé aux salariés.
- Pose de jours de congés ou de RTT :
Il est également possible pour l’employeur d’encourager ses salariés à poser des jours ou demi-journées de congés ou de RTT à la date prévue de la coupure. L’employeur peut prévoir unilatéralement de modifier des dates de congés à conditions de respecter le délai de prévenance prévu par l’accord collectif.
A noter que les écoles seront fermées les matinées en cas de coupure d’électricité. Se pose alors la question de la garde des enfants des salariés. Dans ce cas de figure, l’employeur peut accepter qu’un salarié pose un congé pour garde d’enfant (ou permettre le télétravail si son logement n’est pas concerné par la coupure). Flexibilité et tolérance seront les maîtres-mots pour faire face efficacement à cette période de crise.
A savoir :
Les salariés doivent tout de même être avertis en amont, les nouveaux horaires doivent être inscrit dans le contrat de travail. Si le salarié est protégé, il ne sera pas possible de lui imposer un changement d’horaire comme pour les autres effectifs.
Attention !
A défaut d’accord collectif, le délai de prévenance est d’un mois. L’information de tension sur le réseau arrivant 3 jours avant la potentielle coupure, la modification des dates de congés ne permettra pas d’anticiper cette situation.
Coupure d’électricité et passage en activité partielle
La question de l’activité partielle peut également se poser si l’entreprise fait face à une coupure d’électricité. L’employeur peut-il prendre la décision de fermer temporairement l’entreprise ou réduire son activité en raison des coupures ?
Pour cela, il est nécessaire de savoir si l’on peut qualifier coupure d’électricité comme un sinistre ou un évènement à caractère exceptionnel. Dans ce cas, le passage en activité partielle est possible et l’employeur pourra alors procéder à sa demande d’indemnisation. Un contact préalable avec l’ASP dans cette situation reste fortement recommandé pour les employeurs qui envisageraient cette solution